Création de l'art brut
Le concept d'art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet. Il aurait employé ce terme lors de son premier voyage en Suisse cette année-là avec Jean Paulhan, mais la première fois que l'expression apparaît, c'est dans une lettre qu'il adressa au peintre suisse René Auberjonois, le 28 août 1945.
Il prolonge ainsi les découvertes et les travaux faits par le Docteur Hans Prinzhorn dans les années 1920 sur l'art des « fous »[1], mais aussi l'étude que le Docteur Morgenthaler consacra en 1921 à un interné psychiatrique qui deviendra un célèbre représentant de l'Art brut, Adolf Wölfli[2].
Très vite, en parcourant les asiles psychiatriques de Suisse et de France, puis en y intégrant des créateurs isolés et ceux que l'on a qualifié de « médiumniques », Dubuffet constitue une collection d'œuvres qui sera administrée par la Compagnie de l'Art brut (à laquelle sera associé un temps André Breton ) à Paris et, après bien des péripéties, sera finalement hébergée à Lausanne en 1975, où elle se trouve toujours, sous l'appellation de la Collection de l'art brut.
Définitions de l'art brut
L'Art brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l'art indemnes de culture artistique œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d'asiles psychiatriques[3], autodidactes isolés[4], médiums[5]...). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle.
Dubuffet redéfinira souvent l'art brut, cherchant à le distinguer de l'art populaire, de l'art naïf, des dessins d'enfants, créant même la Neuve Invention au sein de sa collection (cf. ci-après "De l'Art brut à l'Art singulier").
Citations
« Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. »
— Jean Dubuffet, L’art brut préféré aux arts culturels, 1949 (Manifeste accompagnant la première exposition collective de l’Art brut à la Galerie Drouin, reproduit dans Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, 1967)
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. »
— Jean Dubuffet. 1960
De l'art brut à l'art singulier
Dès 1960, un architecte, Alain Bourbonnais, monte sa propre collection d'artistes marginaux en parallèle à celle de Dubuffet. Il rencontre ce dernier en 1971 et décide alors d'ouvrir son propre espace, l'Atelier Jacob, en 1972. Deux nouveaux termes sont crées : l'art "hors-les-normes" puis "singulier". Ce dernier connaitra la notoriété dès 1978 grâce à la grande exposition organisée par Bourbonnais et Michel Ragon : Les Singuliers de l'Art au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Cette exposition contribuera largement à faire connaître ce mouvement auprès du public. La Collection Bourbonnais s'est installée définitivement à Dicy en 1983 sous le nom de La Fabuloserie.
L'Association l'Aracine arrivera quant à elle à réunir une très complète collection d'Art Brut en ouvrant un Musée en 1984 (celui-ci ayant été intégré au Musée d'Art moderne Lille Métropole[7] en 1999).
La Maison des Artistes de Gugging, initiée en 1981 en marge d'un hôpital psychiatrique par le Dr Navratil, est une belle réussite et révèle des artistes désormais internationalement reconnus comme Johann Hauser ou August Walla.
Dubuffet lui-même (avec la complicité du Conservateur de sa Collection, Michel Thévoz) étiquette en 1982, sous le label "Neuve Invention", tous ceux qui ne rentrent pas à proprement parler dans sa définition du créateur d'Art Brut tels que Gaston Chaissac ou Louis Soutter, et qui étaient jusque-là dans une collection "annexe".
En 1989, Gérard Sendrey crée le Site de la Création Franche qui deviendra le refuge de nombre de créateurs autodidactes et singuliers.
Et cette même année voit le jour une revue anglaise spécialisée, exigeante et d'une grande qualité, Raw Vision, qui donnera définitivement une ampleur internationale au mouvement, désigné alors sous le terme d'Outsider Art (terme proposé dès 1972 par Roger Cardinal dans son livre éponyme).
En 1999, l'association abcd (art brut connaissance & diffusion) voit le jour. Installée actuellement à Montreuil, elle œuvre activement à la diffusion de l'art brut en s'appuyant sur la remarquable collection constituée par Bruno Decharme.
Les limites du champ de l'art brut sont souvent mal comprises car difficiles à déterminer : on trouve parfois classées parmi les productions d'art brut des œuvres relevant d'une création contemporaine qui, pour n'être pas professionnelles et ne pas être éloignées stylistiquement des œuvres de l'art brut, n'en sont pas moins dans le dialogue avec le système traditionnel de diffusion des Beaux-Arts, d'où une certaine confusion qui se répercute dans le sens à donner au terme "Art Singulier" aujourd'hui...
Le concept d'art brut a été inventé en 1945 par le peintre français Jean Dubuffet. Il aurait employé ce terme lors de son premier voyage en Suisse cette année-là avec Jean Paulhan, mais la première fois que l'expression apparaît, c'est dans une lettre qu'il adressa au peintre suisse René Auberjonois, le 28 août 1945.
Il prolonge ainsi les découvertes et les travaux faits par le Docteur Hans Prinzhorn dans les années 1920 sur l'art des « fous »[1], mais aussi l'étude que le Docteur Morgenthaler consacra en 1921 à un interné psychiatrique qui deviendra un célèbre représentant de l'Art brut, Adolf Wölfli[2].
Très vite, en parcourant les asiles psychiatriques de Suisse et de France, puis en y intégrant des créateurs isolés et ceux que l'on a qualifié de « médiumniques », Dubuffet constitue une collection d'œuvres qui sera administrée par la Compagnie de l'Art brut (à laquelle sera associé un temps André Breton ) à Paris et, après bien des péripéties, sera finalement hébergée à Lausanne en 1975, où elle se trouve toujours, sous l'appellation de la Collection de l'art brut.
Définitions de l'art brut
L'Art brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l'art indemnes de culture artistique œuvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d'asiles psychiatriques[3], autodidactes isolés[4], médiums[5]...). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle.
Dubuffet redéfinira souvent l'art brut, cherchant à le distinguer de l'art populaire, de l'art naïf, des dessins d'enfants, créant même la Neuve Invention au sein de sa collection (cf. ci-après "De l'Art brut à l'Art singulier").
Citations
« Nous entendons par là des ouvrages exécutés par des personnes indemnes de culture artistique, dans lesquels donc le mimétisme, contrairement à ce qui se passe chez les intellectuels, ait peu ou pas de part, de sorte que leurs auteurs y tirent tout (sujets, choix des matériaux mis en œuvre, moyens de transposition, rythmes, façons d’écriture, etc.) de leur propre fond et non pas des poncifs de l’art classique ou de l’art à la mode. Nous y assistons à l’opération artistique toute pure, brute, réinventée dans l’entier de toutes ses phases par son auteur, à partir seulement de ses propres impulsions. De l’art donc où se manifeste la seule fonction de l’invention, et non, celles, constantes dans l’art culturel, du caméléon et du singe. »
— Jean Dubuffet, L’art brut préféré aux arts culturels, 1949 (Manifeste accompagnant la première exposition collective de l’Art brut à la Galerie Drouin, reproduit dans Prospectus et tous écrits suivants, Gallimard, 1967)
« L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. Ses meilleurs moments sont quand il oublie comment il s’appelle. »
— Jean Dubuffet. 1960
De l'art brut à l'art singulier
Dès 1960, un architecte, Alain Bourbonnais, monte sa propre collection d'artistes marginaux en parallèle à celle de Dubuffet. Il rencontre ce dernier en 1971 et décide alors d'ouvrir son propre espace, l'Atelier Jacob, en 1972. Deux nouveaux termes sont crées : l'art "hors-les-normes" puis "singulier". Ce dernier connaitra la notoriété dès 1978 grâce à la grande exposition organisée par Bourbonnais et Michel Ragon : Les Singuliers de l'Art au Musée d'art moderne de la Ville de Paris. Cette exposition contribuera largement à faire connaître ce mouvement auprès du public. La Collection Bourbonnais s'est installée définitivement à Dicy en 1983 sous le nom de La Fabuloserie.
L'Association l'Aracine arrivera quant à elle à réunir une très complète collection d'Art Brut en ouvrant un Musée en 1984 (celui-ci ayant été intégré au Musée d'Art moderne Lille Métropole[7] en 1999).
La Maison des Artistes de Gugging, initiée en 1981 en marge d'un hôpital psychiatrique par le Dr Navratil, est une belle réussite et révèle des artistes désormais internationalement reconnus comme Johann Hauser ou August Walla.
Dubuffet lui-même (avec la complicité du Conservateur de sa Collection, Michel Thévoz) étiquette en 1982, sous le label "Neuve Invention", tous ceux qui ne rentrent pas à proprement parler dans sa définition du créateur d'Art Brut tels que Gaston Chaissac ou Louis Soutter, et qui étaient jusque-là dans une collection "annexe".
En 1989, Gérard Sendrey crée le Site de la Création Franche qui deviendra le refuge de nombre de créateurs autodidactes et singuliers.
Et cette même année voit le jour une revue anglaise spécialisée, exigeante et d'une grande qualité, Raw Vision, qui donnera définitivement une ampleur internationale au mouvement, désigné alors sous le terme d'Outsider Art (terme proposé dès 1972 par Roger Cardinal dans son livre éponyme).
En 1999, l'association abcd (art brut connaissance & diffusion) voit le jour. Installée actuellement à Montreuil, elle œuvre activement à la diffusion de l'art brut en s'appuyant sur la remarquable collection constituée par Bruno Decharme.
Les limites du champ de l'art brut sont souvent mal comprises car difficiles à déterminer : on trouve parfois classées parmi les productions d'art brut des œuvres relevant d'une création contemporaine qui, pour n'être pas professionnelles et ne pas être éloignées stylistiquement des œuvres de l'art brut, n'en sont pas moins dans le dialogue avec le système traditionnel de diffusion des Beaux-Arts, d'où une certaine confusion qui se répercute dans le sens à donner au terme "Art Singulier" aujourd'hui...